J’ai ce roman depuis des mois dans ma bibliothèque, merci encore aux éditions Les Escales de me l’avoir envoyé. Il m’a fallu du temps pour l’en sortir mais je ne regrette pas d’avoir attendu car il méritait d’avoir son moment. C’est un coup de cœur et certainement l’une de mes meilleures lectures de l’année.
C’est une sensation bien particulière que celle que l’on ressent lorsqu’on referme un livre en ayant le sentiment d’avoir découvert des éléments de l’Histoire qu’on méconnaissait, de s’être rempli de cette même Histoire. J’ignorais totalement l’existence de la Société des Foyers d’Accueil des enfants du Tennessee, je n’en avais honnêtement jamais entendu parler jusqu’à ce que je découvre le roman de Lisa Wingate et c’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai eu envie de le lire car il met assurément en lumière ce scandale oublié, ces familles brisées, décimées pendant des années.
Il se déroule dans les années 30, à Memphis alors que cette fameuse société a « recueilli » des enfants issus de milieux défavorisés, de familles pauvres au sein d’un orphelinat afin de les faire adopter par des familles aisées qui n’avait pas la possibilité d’avoir d’enfants., contre rémunération. Le terme « recueilli » est ici très inexact puisque ces enfants ont souvent été arraché à leur propre foyer ou même volé des bras de mères qui venaient tout juste d’accoucher. L’histoire de Rill, aînée d’une fratrie d’enfants qui vivent sur le fleuve Mississippi, est l’illustration de ce pan historique oublié. Alors que ses parents sont à l’hôpital, l’adolescente ainsi que ses frères et sœurs sont violemment raptés et embarqués dans une immense maison, elle-même remplis d’enfants en attente d’être adoptés.
L’auteure ayant décidé de faire s’alterner les époques et de construire son récit en faisant des allers/retours dans le passé, la fiction s’entremêle à la réalité et Lisa Wingate évoque alors Georgia Tann, maîtresse du réseau qui a permis d’organiser plus de 500 enlèvements dans les alentours de Memphis. Des centaines de familles séparées auxquelles on a menti, en prétextant que leurs enfants étaient malades, qu’ils seraient mieux soignés ailleurs, qu’aucun mal ne leur serait fait. Des centaines d’enfants kidnappés auxquels on a menti, en prétendant que leurs parents étaient morts ou ne pouvaient plus s’occuper d’eux alors que, bien souvent, ils étaient encore vivants. De ces familles, il n’y a pratiquement eu aucune retrouvaille…
Ce récit est tout simplement bouleversant, sa force repose sur ses personnages bien construits qui sont peut-être issus de la fiction mais rendent hommage aux nombreux enfants disparus, enlevés qui n’ont jamais retrouvés leurs familles et ont été adoptés dans le meilleur des cas, maltraités dans le pire. A la fois révoltante, dure et captivante, ce roman m’a marquée et me marquera encore longtemps.
Difficile d’imaginer l’horreur d’une telle entreprise, pourtant elle reflète un pan de notre Histoire : le rapt de centaines d’enfants issus de milieux défavorisés afin de les faire adopter par des familles, contre rémunération. S’inspirant de la réalité pour nourrir sa fiction, l’auteure met en lumière dans son récit un scandale qui s’est vu étouffé des années plus tard mais n’en demeure pas moins révoltant et bouleversant.
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