Deux ans déjà que j’ai découvert la plume de Sarah Crossan (Inséparables, Swimming Pool), traduite par Clémentine Beauvais (Songe à la douceur). Cette auteure fait partie de mes incontournables et il était impensable que je passe à côté de sa nouveauté, Moon Brothers dont je n’avais entendu que des excellents échos.
Joe Moon a dix-sept ans. Il vient de quitter New York pour aller vivre un temps au Texas. Son frère aîné, Ed, est en prison là-bas. Jugé coupable du meurtre d’un policier, il attend son exécution dans le couloir de la mort. Or, la date approche. Alors Joe veut être là, aider son frère à affronter ces dernières semaines. Car sinon, Ed sera tout seul. Mais voilà qu’un nouvel avocat reprend la défense du condamné… et il a l’air d’y croire. Joe osera-t-il espérer encore ?
Après trois romans, il est de mon avis que le duo Sarah Crossan et Clémentine Beauvais fonctionne à merveille, la marque de fabrique de l’auteure étant sa prose en vers libre que j’ai donc retrouvée pour la troisième fois et que j’ai, à nouveau, énormément aimée. Cette particularité qui signe la patte de Sarah Crossan apporte une légèreté à ces textes bien souvent engagé et au sujet précis. Ainsi, après le quotidien de deux sœurs siamoises puis l’immigration et le harcèlement d’un point de vue adolescent, c’est au tour du système judiciaire américain d’être l’objet d’une fervente critique.
Il y a dans ce roman un sujet pointilleux et très vaste mais, si bien abordé qu’il m’a véritablement secouée. Parce que je n’en connaissais pas toutes les ficelles. La justice aux États-Unis demeure, selon le degré, globalement propre à chaque état, si bien que certains use encore de la peine de mort pour condamner des individus. C’est ce que dénonce l’auteure à travers l’histoire de Joe et de sa vie bouleversée. Alors qu’il était enfant, son frère a brusquement disparu. Parti depuis quelques semaines, il a pourtant téléphoné pour annoncer qu’il avait été arrêté suite au meurtre d’un policier dans l’état texan.
Joe a grandi avec cette absence et le manque de ce frère qui a toujours fait office de figure paternelle dans sa famille dysfonctionnelle et, brutalement il a fallu l’effacer, le faire disparaître des conversations. Alors, lorsque les circonstances l’amènent au Texas, son frère y étant incarcéré depuis plusieurs années et condamné à la peine de mort, l’auteure va plonger dans les souvenirs de Joe mais aussi dans ses pensées les plus intimes. Bien que vouant un amour sans limite à son frère, des années se sont écoulées et Joe ne peut s’empêcher d’être intimidé et également curieux. Surtout que l’espoir de voir son frère exempt de cette lourde condamnation à mort plane entre eux, alors qu’avocats et justice s’affolent en arrière-fond.
Ce roman m’a nouée comme peu de romans peuvent le faire et c’est la boule au ventre que je l’ai lu presque d’une traite, happée par ce récit si sombre qui nous pousse malgré tout à garder espoir, même si après avoir l’avoir lu, il est difficile de croire en la vie quand la mort est aussi banale dirais-je dans certains états. C’est la grande force de cette auteure, de cette sublime plume remplie de justesse, de sensibilité, de douceur alors que le sujet est si noir. Au-delà de vouloir dénoncer un système judiciaire très particulier, injuste et obsolète, l’auteure aborde également la question de la culpabilité et de la présomption d’innocence ainsi qu’une magnifique relation fraternelle, remplie de doutes, de manques et d’amour.
Un roman coup de poing, brut, incisif qui aborde et dénonce non seulement la peine de mort et la particularité de ce système judiciaire américain dans certains états mais également la culpabilité. Au milieu de cela, cette relation fraternelle si belle et si tendre malgré toute la noirceur qui plane entre eux. L’auteure a su poser des mots justes, sensibles et c’est la boule au ventre et secouée que j’ai terminé ce roman à la prose si poétique au regard du sujet traité.
Adorant les romans de Sarah Crossan, j’ai très envie de le lire!
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