Contemporain

La ligne verte • Stephen King

Pour cette lecture, je ne peux que remercier Marine et son superbe CinéBook Club car je n’aurais, je pense, jamais lu ce roman sans cette initiative. Par peur, de cet auteur qu’on ne présente plus, et par appréhension, de cette histoire qui a énormément fait couler de larmes et d’encre.

Paul Edgecombe, ancien gardien-chef d’un pénitencier dans les années 30, entreprend d’écrire ses mémoires. Il revient sur l’affaire John Caffey – ce grand Noir au regard absent, condamné à mort pour le viol et le meurtre de deux fillettes – qui défraya la chronique en 1932. La ligne verte est le reflet d’un univers étouffant et brutal, où la défiance est la règle. Personne ne sort indemne de ce bâtiment coupé du monde, où cohabitent une étrange souris apprivoisé par un Cajun pyromane, le sadique Percy Wetmore avec sa matraque et Caffey, prisonnier sans problème. Assez rapidement convaincu de l’innocence de cet homme doté de pouvoirs surnaturels, Paul fera tout pour le sauver de la chaise électrique.

La ligne verte ou le roman inqualifiable

C’est indubitablement un OVNI littéraire, le genre de roman inqualifiable mais incroyablement beau alors qu’il est si tragique. C’est l’histoire qu’on ne rencontre qu’une seule fois, inoubliable, qui marque définitivement sans pour autant que ce soit un coup de cœur. L’auteur nous plonge dans un univers particulier, froid et effrayant : le couloir de la mort d’un centre pénitencier. Paul Edgecombe y est gardien au bloc E, antenne qui accueille les condamnés à mort par chaise électrique. Le jour où John Caffey est admis, accusé d’avoir violé et tué deux petites filles, la vie de Paul prend un tournant définitif…

Mais pour ceux qui devaient vraiment s’asseoir sur cette chaise, l’humour n’était pas au rendez-vous. J’ai présidé à soixante-dix-huit exécutions pendant tout le temps que j’ai servi à Cold Mountain (un chiffre sur lequel ma mémoire n’a jamais hésité ; je m’en souviendrai sur mon lit de mort), et je peux affirmer que la plupart de ces hommes prenaient conscience jusqu’à la moelle de ce qui les attendait, sitôt qu’on leur sanglait les chevilles aux pieds en chêne massif de Miss Cent Mille Volts. Ils réalisaient (ça se voyait dans leurs yeux, une espèce de consternation glacée) que leurs jambes avaient achevé leur carrière. Le sang circulait toujours en eux, les muscles étaient encore solides, mais ils étaient quand même fichus. Ils n’iraient plus se balader dans les bois ni danser avec une fille à un bal champêtre.

L’humanité dans l’horreur

Tandis que Paul s’attache peu à peu à ce détenu, l’idée de son innocence le travaille. Il demeure une incohérence entre les actes et la personnalité de John, malgré le fait que sa corpulence ne lui laisse aucunement l’ombre de l’innocence. Dans ce couloir sombre où cohabitent des hommes au lourd passif meurtrier, John Caffey fait tâche. Ce roman est une histoire puissante, déchirante. L’auteur prend le temps de dérouler le contexte, découpant son récit en plusieurs parties qui, toutes reliées entre elle à la fin, font un ensemble très explicatif. Stephen King présente chaque personnalité avec détails, sans jamais rendre mauvais l’homme dont les actes le sont. C’est impressionnant à quel point les personnages ne sont pas manichéens alors que des raccourcis pourraient être faits rapidement, compte tenu des meurtres commis. Dans chaque meurtrier, on aperçoit l’humanité derrière ses yeux et ses paroles, jusqu’à sa mort.

Un lino d’un vert pisseux recouvrait le sol du large couloir traversant le bloc E, et ce qu’on appelait dans les autres prisons la dernière ligne était chez nous, à Cold Mountain, surnommé la ligne verte.

Un récit exigeant mais inoubliable

La ligne verte demande de la patience mais malgré toute l’horreur décrite, il vaut largement le coup de s’accrocher. Si l’histoire est injuste et tragique, elle est finalement très belle. C’est un roman à lire absolument, même si les descriptions des exécutions, du quotidien dans le bloc E, des processus peuvent être violents. Elles sont nécessaires, pour comprendre, visualiser et s’immerger totalement dans l’univers de Paul Edgecombe. Cela amène des réflexions très intéressantes sur la condamnation, la justice, la peine de mort, l’innocence et la vérité. On pourrait aisément considérer cette histoire comme un chef d’œuvre.

La ligne verte est indubitablement une histoire inqualifiable et marquante, puissante et tragique. Je n’oublierais, je pense, jamais ce récit, la puissance de ces descriptions et les personnalités auxquelles on s’attache malgré leurs crimes. C’est toute la force de ce roman.

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