Historique

Les graciées • Kiran Millwood Hargrave

Ce roman m’avait interpellée à sa sortie et je l’avais d’ailleurs aussitôt acheté. Il est resté un petit moment dans ma pile à lire avant d’enfin me faire la promesse de le lire en 2022.

1617, Vardø, au nord du cercle polaire, en Norvège. Maren Magnusdatter, vingt ans, regarde depuis le village la violente tempête qui s’abat sur la mer. Quarante pêcheurs, dont son frère et son père, gisent sur les rochers en contrebas, noyés. Ce sont les hommes de Vardø qui ont été ainsi décimés, et les femmes vont désormais devoir assurer seules leur survie. Trois ans plus tard, Absalom Cornet débarque d’Écosse. Cet homme sinistre y brûlait des sorcières. Il est accompagné de sa jeune épouse norvégienne, Ursa. Enivrée et terrifiée par l’autorité de son mari, elle se lie d’amitié avec Maren et découvre que les femmes peuvent être indépendantes. Absalom, lui, ne voit en Vardø qu’un endroit où Dieu n’a pas sa place, un endroit hanté par un puissant démon.

Vardø, XVIIe siècle.

Ce roman démarre à Vardø, un village isolé au nord du cercle polaire. Nous sommes en 1617, à des siècles de nos mœurs et coutumes. Tandis que les hommes sont envoyés en mer pour pêcher, une terrible tempête s’abat sur leurs navires et en quelques minutes, l’intégralité des bateaux sont aspirés, entraînant avec eux leurs navigateurs. Sans eux, les femmes doivent désormais s’organiser pour s’approprier les tâches qui leur étaient propres, tout en faisant leur deuil, et survivre. On y fait la rencontre de Maren Magnusdatter, spectatrice de la tempête, dans laquelle elle a perdu son père et son frère. En parallèle, on suit Ursa, une jeune femme norvégienne mariée à Absalom Cornet, un Écossais à la réputation sinistre de chasseur de sorcières qui va être envoyés à Vardø.

Elle qui pensait avoir vu le pire depuis ce ce port, que rien ne pouvait égaler les horreurs de la tempête, comprend à présent combien il était naïf de croire que le mal ne pouvait provenir que du dehors. Depuis le départ, il était ici, parmi elles, perché sur deux jambes, répandant la rumeur de sa langue humaine.

Un récit singulier…

Assurément exigeant, la traduction de ce récit met en exergue une histoire singulière mais glaçante. Au-delà de l’atmosphère liée à la région polaire, des conditions climatiques et du mode de vie différents des habitants, que l’autrice décrit d’ailleurs avec énormément de sensibilité et de beauté, c’est un roman puissant dans ce qu’il transmet. L’histoire de milliers de femmes que l’Histoire a oubliées, a brûlées et tuées, sous prétexte que leurs croyances étaient différentes de celles d’Hommes de religion. L’autrice place son récit à une époque violente, au cœur même du simple fait que la différence terrifie. Une époque à laquelle les femmes n’avaient aucun droit tandis qu’elles étaient soumises à leur père et/ou mari. Une époque à laquelle elles pouvaient être accusées de sorcellerie.

« Savez-vous ce que mon prénom signifie ? » Elle secoue la tête. « Père de la paix. » [Elle] manque d’éclater de rire, se retient à temps. « Voilà tout ce que je désire. Débarrasser le monde des sorcières pour que nous puissions tous vivre dans la paix de Dieu. Et si le seul moyen d’y parvenir est la guerre, alors ainsi soit-il. »

… mais définitivement marquant et puissant.

Si Vardø n’est pas un village que je connaissais, il a pourtant une certaine réputation. Entre 1598 et 1692, 91 personnes ont été brûlées et parmi celles-ci, on trouve principalement des femmes. Comment rester insensible face à tant de violence ? Ce fut impossible pour moi et ce récit m’a tour à tour passionnée, captivée, révoltée, choquée, bouleversée. L’autrice nous offre un texte puissant, comme on en lit peu dans une vie, avec des personnages très forts et des femmes dont je retiendrais le nom, en hommage à toutes celles qui n’ont pas vécues. Ce n’est pas un sujet sur lequel j’ai énormément lu, il n’en demeure pas moins une thématique qui me fascine et m’effraie à la fois et c’est la raison pour laquelle Les graciées a été une lecture aussi bouleversante.

Comment rester insensible face à tant de violence ? Révoltant et bouleversant, ce roman est une immersion dans une chasse aux sorcières terrifiante du XVIIe siècle. Les graciées est un récit qui m’a marquée définitivement.

« Assassiné une femme ? répète-t-il comme s’il ne comprenait pas ces mots. Non, non… » Il secoue la tête, semblant chasser une mouche. « J’ai démasqué une sorcière. Elle a été condamnée à mort par la justice de mon pays. Elle était coupable aux yeux de la loi, aux yeux de Dieu.  » Tu ne laisseras point vivre la sorcière. » Dieu l’a dit. »

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