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Les putes voilées n’iront jamais au paradis ! • Chahdortt Djavann

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Ce roman est passé assez inaperçu à la rentrée de septembre. Sa sortie poche montre pourtant que son succès méritait une réédition petit format. Je l’ai découvert en ce début d’année et je dois avouer que son contenu est assez révoltant. C’est un roman très important à mon sens.

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Ce roman vrai, puissant à couper le souffle, fait alterner le destin parallèle de deux gamines extraordinairement belles, séparées à l’âge de douze ans, et les témoignages d’outre-tombe de prostituées assassinées, pendues, lapidées en Iran. Leurs voix authentiques, parfois crues et teintées d’humour noir, surprennent, choquent, bousculent préjugés et émotions, bouleversent. Ces femmes sont si vivantes qu’elles resteront à jamais dans notre mémoire. À travers ce voyage au bout de l’enfer des mollahs, on comprend le non-dit de la folie islamiste : la haine de la chair, du corps féminin et du plaisir. L’obsession mâle de la sexualité et la tartufferie de ceux qui célèbrent la mort en criant « Allah Akbar ! » pour mieux lui imputer leurs crimes. Ici, la frontière entre la réalité et la fiction est aussi fine qu’un cheveu de femme.

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Quand les lois sont criminelles, c’est un honneur d’être rebelle et hors la loi.

J’ai rarement été secouée par un roman comme celui-ci a pu le faire, j’ai rarement eu ce nœud à l’estomac en lisant des témoignages et des histoires vécues. Ce roman m’a fait l’effet d’un coup de poing, il m’a prise aux tripes violemment et m’a beaucoup retournée. Il m’a fallu du temps pour rédiger ma chronique, trouver les mots justes à poser sur cet ouvrage.

Vendre son corps, est-ce là la seule option pour les iraniennes ? Clignoter avec son tchador pour se faire remarquer sur le trottoir, est-ce la seule opportunité d’avenir pour ces femmes ? L’auteure va s’appuyer sur des témoignages de femmes, des prostituées iraniennes, ainsi que sur le destin de Soudabeh et Zahra pour montrer jusqu’à quel point être femme dans ce pays se résume à se soumettre à un destin parfois sordide, toujours non choisi.

Être une fille dans la pauvreté est une malédiction. Un garçon, même drogué et trafiquant, prend au moins plaisir à vivre certaines choses, par exemple la sexualité.

Les mots employés par l’auteure sont finement choisis, pourtant aucun n’épargne le lecteur. Les passages sont par moments vulgaires, froids, ils font peurs et questionnent. Le langage est cru et montre à quel point l’humiliation est sévère, dure. Le quotidien de ces femmes est ainsi. Résignées, elles sont prostituées par nécessité, par obligation ou parce qu’elles ont été enlevées sur les bords d’une route après une fugue. Au fil des témoignages, on prend petit à petit conscience de l’étendue de cette société embrigadée, du pouvoir de la religion, à travers le regard de ces femmes qui n’ont d’autres choix que celui de vendre leur corps.

Vous voulez connaître une société ? Faites parler ses prostituées ! Vous découvrez tout sur les gens, sur leur culture, leurs coutumes, leurs préjugés, leurs croyances, sur les violences sociales, sur le commerce, la politique et même sur le système judiciaire…Parmi les clients des putes, il y a des hommes de tout rang et de tout milieu. (…) Et puis la plupart parlent librement à une pute, surtout ici, parce que nous sommes considérées comme des déchets de la société et que notre vie comme notre témoignage ou notre parole n’a aucune valeur.

C’est là le grand paradoxe. Ces hommes qui condamnent la prostitution à mort, ce sont également eux qui viennent assouvir leurs désirs auprès d’elles. Ce sont eux qui viennent les chercher, les guetter dans les quartiers. L’œuvre de Chahdortt Djavann vient mettre en exergue toute l’hypocrisie d’une société, l’hypocrisie de ces hommes et la misère humaine mais également la condition des femmes dans un pays où elles n’ont aucune liberté, aucuns droits. C’est un ouvrage cru, un ouvrage nécessaire qu’il est important de lire, dont la force réside en la franchise et l’écriture sans langue de bois de l’auteure.

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Un ouvrage majeur en terme de condition de la femme au Moyen-Orient, qui permet d’ouvrir les yeux sur l’hypocrisie et la misère humaine d’un pays. La plume est crue, certains passages sont violents mais c’est en cela que le roman tire sa grande force.

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4 commentaires sur “Les putes voilées n’iront jamais au paradis ! • Chahdortt Djavann

  1. c’est dommage pour le titre… il m’a fait fuir
    Par contre attention à la fin de ton article tu parles du Moyen Orient et… l’Iran est loin de représenter le Moyen Orient. Je vis dans le Golfe, et je peux t’assurer que les femmes ici par exemple ont une place vraiment importante, elles ont une liberté incroyable, bossent, sortent et sortent sans soucis. Je préférais indiquer pour ne pas tomber dans les préjugés. 🙂

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  2. J’ai terminé ce roman ce midi et j’en ai profité pour lire ta chronique, après avoir rédigé la mienne. Je comprends totalement ton ressenti sur ce roman, j’ai vraiment eu l’impression d’être « secouée » par l’autrice. Mais je crois que je n’étais pas d’humeur pour tant de violence et de vulgarité. Aussi surprenant que cela puisse paraître, j’ai trouvé le sujet nécessaire mais la forme très déstabilisante.

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