Contemporain

Les fureurs invisibles du cœur • John Boyne

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Avant même sa sortie, Les fureurs invisibles du cœur avait fait parler de lui dans sa version originale. Si j’avais eu le désir de le lire, j’attendais pour autant sa traduction française. Chose faite à l’occasion de la rentrée littéraire. Reçu au mois de juillet, je me suis pourtant plongée dans l’histoire de Cyril tardivement. Un immense merci aux éditions JC Lattès pour cet envoi.

Résumé-01

Cyril Avery n’est pas un vrai Avery et il ne le sera jamais – ou du moins, c’est ce que lui répètent ses parents adoptifs. Mais s’il n’est pas un vrai Avery, qui est-il ? Né d’une fille-mère bannie de la communauté rurale irlandaise où elle a grandi, devenu fils adoptif d’un couple dublinois aisé et excentrique par l’entremise d’une nonne rédemptoriste bossue, Cyril dérive dans la vie, avec pour seul et précaire ancrage son indéfectible amitié pour le jeune Julian Woodbead, un garçon infiniment plus fascinant et dangereux. Balloté par le destin et les coïncidences, Cyril passera toute sa vie à chercher qui il est et d’où il vient – et pendant près de trois quarts de siècle, il va se débattre dans la quête de son identité, de sa famille, de son pays et bien plus encore.

Ce que j'en pense-01

Cyril est né dans des conditions particulières. Sept ans plus tard, adopté par le couple Avery, il n’est pourtant pas considéré comme leur véritable fils et descendant. Une vie de famille en apparence normale qui cache de nombreux manques pour le jeune garçon. Parce qu’il sait qu’il ne sera jamais un Avery, que Maude et Charles sont ses parents adoptifs et les lacunes affectives sont omniprésentes pour le jeune garçon. Pourtant, Cyril est spontané, gentil et un brin timide. Sa rencontre avec Julian, un garçon extraverti et obsédé par le sexe, va le bouleverser radicalement.

Nous étions en 1959, après tout. Je ne savais presque rien de l’homosexualité, en dehors du fait que succomber à ce genre de désir était un acte criminel en Irlande qui donnait lieu à une peine de prison. (…) Je décidai qu’avec le temps, ils passeraient, et que mon attention finirait par se porter sur les filles. Mon développement était simplement lent ; l’idée que je puisse être atteint par ce qui était alors considéré comme une maladie mentale m’aurait horrifié.

Un bouleversement qu’il va cacher pendant de nombreuses années, en raison de la situation religieuse et politique du pays. Sa vie n’aurait pas été la même s’il n’était pas né en Irlande, si la religion n’avait pas eu une place aussi importante et primordiale, si sa mère biologique n’avait pas été fille-mère et surtout, s’il avait aimé davantage les filles que les garçons. Dans la société catholique très traditionnelle irlandaise des années 70, l’homosexualité est considérée comme un crime, un acte innommable.

Obligé de se cacher dans des toilettes, dans des ruelles sombres, dans la nuit pour trouver son plaisir, Cyril va vivre dans le mensonge durant de nombreuses années. Renfermé dans les non-dits, il va devenir plus fragile et vulnérable tandis que vont s’écouler des années avant qu’il prenne véritablement conscience de son homosexualité. Au crépuscule de sa vie, malgré les moments de bonheur qu’il vivra aux côtés de Bastiaan, d’Ignac ou encore d’Alice, Cyril retiendra également les regrets et l’amertume d’une vie de cachotterie.

L’idée de passer toute mon existence à mentir me pesait terriblement et dans ces moments-là, j’envisageai sérieusement de disparaître à jamais.

Alors que les années filent, c’est une véritable fresque historique qui se tissent en toile de fond. De l’après-guerre jusqu’aux questionnements relatifs à la légalisation du mariage pour tous, on assiste aux évolutions de la société irlandaise. L’auteur balaie soixante-dix ans de l’Histoire en explorant les droits et les non-droits des personnes homosexuelles en Irlande, le combat contre les clichés liés au SIDA, l’autorisation du divorce tardive. C’est une profonde réflexion autour des traditions, du poids des coutumes et de la religion qui s’inscrit dans l’histoire de Cyril et également dans celle de Catherine, fille-mère bannie et rejetée à cause de sa condition.

Les fureurs invisibles du cœur est un chef d’œuvre incroyable, la plume choque avec élégance sans jamais aller dans le trop, malgré quelques passages vulgaires. En tant que lectrice, c’est avec colère que j’ai parfois réagi au traitement infligé citoyens irlandais homosexuels, bien que le contexte d’une société traditionnelle et ignorante s’ajoute. Le passé sonne pourtant, à certains moments, comme très actuel et c’est dans cette capacité-là que réside la réussite de ce roman, celle de nous interroger et nous faire prendre conscience du chemin qu’il reste à parcourir.

Séprateur-01

Un roman absolument bouleversant qui marque profondément. John Boyne retrace 70 ans d’histoire irlandaise, de sa société catholique traditionnelle, en explorant les affres de son héros Cyril. Un chef d’œuvre de littérature que je ne suis pas prête d’oublier !

Nous haïssons ce qui nous effraie en nous-mêmes.

 

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