Historique·Lectrice Charleston 2021

Un grain de moutarde • Laila Ibrahim

L’année dernière, lors du premier confinement, je m’étais plongée dans Le crocus jaune et j’étais ressortie bouleversée par ma lecture. Les éditions Charleston publie cette année la suite de ce magnifique roman, tout aussi poignant.

Lisbeth Johnson a grandi dans le Sud des États-Unis, dans la plantation de coton appartenant à sa famille. Jordan Freedman est la fille de Mattie, esclave et nourrice bien-aimée de Lisbeth. Trois ans après la fin de la guerre de Sécession, Lisbeth et Mattie veillent chacune sur leur foyer tandis que Jordan est institutrice et suffragette. Quand Lisbeth est appelée au chevet de son père mourant, elle se rend sans hésiter à la plantation et se retrouve confrontée à sa famille confédérée, qu’elle a trahie en épousant un abolitionniste. Au même moment, Jordan et Mattie reviennent elles aussi à Fair Oaks, afin de soutenir leur famille, toujours victime d’oppressions. La suite du Crocus jaune remet en scène les familles Johnson et Freedman, qui se trouvent confrontées à l’injustice qui les a toujours séparées, mais aussi à l’amertume et la violence. Lisbeth, Mattie et Jordan trouveront-elles le courage de délivrer leurs proches et de se libérer elles-mêmes du passé ?

Deuxième tome d’une duologie, il m’est apparu essentiel de signaler en premier lieu l’importance de lire le premier volet, Le crocus jaune, pour se lancer dans ce roman, afin d’en comprendre les enjeux ainsi que la relation qui lie Mattie et Lisbeth, les deux héroïnes du récit. Tandis que nous les laissions établies dans l’Ohio, on les retrouve quelques années après la fin de la proclamation de l’abolition de l’esclavage.

Mattie continue d’être éprouvée par son passé, souffrant de ne réussir à faire venir sa nièce Sarah, restée à Fair Oaks, l’ancienne plantation où Mattie était esclave, dans l’Ohio. De son côté, Lisbeth se voit obligée de retourner à Richmond chez ses parents, la dernière missive de sa mère annonçant la fin prochaine de son père. Chacune à leur mission, sur les routes qui mènent en Virginie, les deux anciennes complices vont se retrouver à nouveau étroitement liées. Leur retour s’annonce aussi dangereux que nécessaire et leur parcours sera semé d’embûches.

Si le récit, en s’alternant entre le point de vue de Lisbeth et celui de Jordan, se concentre sur la vie de cette dernière, on est pourtant au cœur du voyage de Mattie. C’est l’occasion pour la jeune femme de mieux comprendre ses origines en appréhendant le passé de sa mère, les souffrances qu’elle a endurées et la vie qu’elle a vécue dans les plantations. L’histoire de Mattie est aussi la sienne, même si elle a toujours préféré se concentrer sur ses propres combats.

L’autrice nous immerge dans un contexte qui est aussi révoltant que passionnant à mes yeux, dans un Etat marqué par le racisme et la ségrégation ainsi que par la violence de l’esclavagisme. On sent à quel point la défaite des états esclavagistes a développé une rancœur se traduisant par une violence inouïe à l’égard des unionistes et des personnes Noires. En abordant avec justesse la guerre de Sécession et ses conséquences, « Un grain de moutarde » est un récit poignant et bouleversant, nécessaire pour comprendre et ne jamais oublier.

Ce récit bouleversant est une véritable plongée dans la violence de l’après guerre de Sécession, au cœur d’un état esclavagiste où la rancœur et la violence s’entremêlent. L’autrice a cependant su rendre son histoire lumineuse en liant à nouveau les destins de Lisbeth et Mattie, en les faisant s’entraider pour la liberté et l’amitié.

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