Historique

Le pavillon des combattantes • Emma O’Donoghue

Ce roman me tente depuis que j’ai découvert dans les pages du catalogue des éditions Presses de la Cité. J’avais une envie folle de le lire alors que son résumé laisse penser qu’on va se retrouver plongée au cœur d’un pandémie internationale… De quoi freiner des quatre fers quand on ne veut plus entendre parler de la situation sanitaire actuelle. Pourtant, j’ai foncé dedans tête baissée et quel coup de cœur !

En pleine pandémie de grippe espagnole, l’ancien monde est en train de s’effondrer. À la maternité, des femmes luttent pour qu’un autre voie le jour. 1918. Trois jours à Dublin, ravagé par la guerre et une terrible épidémie. Trois jours aux côtés de Julia Power, infirmière dans un service réservé aux femmes enceintes touchées par la maladie. Partout, la confusion règne, et le gouvernement semble impuissant à protéger sa population. À l’aube de ses 30 ans, alors qu’à l’hôpital on manque de tout, Julia se retrouve seule pour gérer ses patientes en quarantaine. Elle ne dispose que de l’aide d’une jeune orpheline bénévole, Bridie Sweeney, et des rares mais précieux conseils du Dr Kathleen Lynn – membre du Sinn Féin recherchée par la police. Dans une salle exiguë où les âmes comme les corps sont mis à nu, toutes les trois s’acharnent dans leur défi à la mort, tandis que leurs patientes tentent de conserver les forces nécessaires pour donner la vie.

Dans un contexte politique et social tourmenté

Le pavillon des combattantes est un récit qui secoue, chamboule et ne laisse pas indifférent. Particulièrement parce qu’il se déroule dans un contexte historique, politique et social agité. L’autrice nous fait voyager jusqu’en Irlande et nous plonge dans le début du XXe siècle, en 1918 précisément, tandis que la population se remet difficilement des insurrections de 1916 et voit peu de ses hommes revenir des tranchées de la Première Guerre Mondiale.

Deux camps, deux discours et ce sentiment omniprésent que la population est plus scindée que soudée dans les épreuves qu’elle vit. La pauvreté n’a jamais été plus importante, la difficulté de se nourrir et de se soigner demeure ubiquiste. C’est alors que les irlandais doivent affronter un nouvel ennemi, violent et meurtrier, rapide et inarrêtable : la grippe espagnole.

Des héroïnes admirables et volontaires

Julia Power, la narratrice du récit, nous emmène dans son quotidien d’infirmière dans un hôpital catholique, au sein d’une unité de maternité où sont regroupées les futures mères atteintes de la grippe. On va vivre à travers elle le manque cruel de personnel soignant, de médecins qualifiés et spécialisés, la maladie et son évolution rapide, ses symptômes si différents d’un individu à l’autre et ses combats pour offrir à ses patientes un minimum de confort au milieu de la peur et de l’insécurité.

Elle va rencontrer Bridie, une jeune femme logée dans un orphelinat tenue par des religieuses, venue l’aider à s’occuper de ses patientes. A la fois solaire, courageux et efficace, elle va se révéler une assistante précieuse et formidable. C’est un personnage qui met en lumière un aspect sombre de l’Irlande de 1918 car elle a grandi dans un milieu très pauvre où les mauvais traitements et la violence sont courants, où les filles-mères sont jugées et punies et leurs enfants souvent laissés à l’abandon.

A leur côté, officiant au sein de l’hôpital, le Docteur Kathleen Florence Lynn, un personnage non-fictif, se dresse en tant que militante pour le suffrage féminin, vice-présidente du Sinn Féin, le parti politique nationaliste irlandais. Recherchée par les autorités, considérée comme une dangereuse terroriste, elle va pourtant illuminer les journées de Julia, apportant un peu de sa douceur et de son expertise à la jeune infirmière.

Un éclairage historique captivant

Ce roman est très beau, parce qu’il se base sur des faits réels et fait écho à des situations que nous avons pu vivre depuis un an et demi. Il apporte un éclairage passionnant sur des faits historiques, politiques et sociaux qui ont marqué l’Irlande du XXe siècle mais aussi sur des aspects médicaux. L’autrice décrit avec précision le domaine de l’obstétrique, la vie dans les hôpitaux et les soins de l’époque. En parallèle, c’est un récit qui rend hommage à l’héroïsme des femmes, des infirmières et de ces personnages du quotidien qu’on oublie bien trop souvent. Authentique, féministe, passionnant sont les trois mots qui me viennent à l’esprit pour qualifier ce roman.

Je n’imaginais pas qu’il serait un tel coup de cœur. C’est un récit authentique, féministe, passionnant qui met en lumière l’héroïsme du quotidien, au cœur d’un contexte politique, historique et social agité par le début du XXe siècle, les insurrections irlandaises et la Première Guerre Mondiale, tout en nous plongeant au cœur d’un service de maternité en pleine pandémie de grippe espagnole. Difficile pour moi de me restreindre à écrire une chronique condensée car je pourrais parler de ce roman pendant des heures…

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