Contemporain·Grand Prix des Lecteurs Pocket 2022

Une toute petite minute • Laurence Peyrin

Une toute petite minute est le seul roman de Laurence Peyrin que je n’avais pas encore lu, je n’avais pas pris le temps l’année dernière et c’est grâce au Grand Prix des Lecteurs Pocket que je me suis penchée dessus.

New York, 31 décembre 1995. Madeleine, 17 ans, pense à la soirée du Nouvel An qu’elle va passer avec celle qui est plis qu’une sœur pour elle, sa meilleure amie, Estrella. Juin 2016. Madeleine, 38 ans, sort de prison. Pendant cette fameuse nuit de réveillon, elle a tué Estrella. Personne n’a jamais su ce qui s’était passé. Elle n’a demandé aucune circonstance atténuante et a effectué ses vingt ans de prison jusqu’au dernier jour. Ce matin, une voiture la conduit vers la maison familiale des Hamptons où son père n’est plus – mort de chagrin. Mais Madeline ne sait pas quoi faire d’elle-même. Comment reprendre le cours de cette vie interrompue à l’adolescence ? Parler à des gens qui ne savent pas de quoi on est coupable ? Renouer avec une petite sœur qu’on a pas vue devenir mère ? Vivre et y trouver un sens ? Mad va chercher le bon chemin, pas après pas, dans les dunes des Hamptons, dans les jardins des belles maisons qui l’embauchent, dans les petits gestes d’entraide échangés. Et peut-être finira-t-elle par accepter que certains, sa mère enfin reconnue comme telle, ou Ezra, le cuisinier qui ressemble à un pirate, puissent l’aimer quand même…

31 décembre 1995, si tout bascule…

C’est la date à laquelle tout a basculé pour Madeline Oxenberg, adolescente de l’Upper East Side, fille d’un chirurgien esthétique émérite et d’une princesse juive. Que s’est-il passé dans cette salle de bain, dans laquelle le corps sans vie d’Estrella Molinax a été retrouvé ? Pourquoi Madeline lui a-t-elle tranché la gorge ? Malgré les tentatives de son père et de son avocat, la jeune femme refuse d’expliquer son geste, avoue son crime et plaide coupable. Elle purgera sa peine : vingt ans de prison ferme, quelques années à Bedford Hills, la prison pour femmes à sécurité maximale, et quelques autres au centre correctionnel de Taconic. Lorsqu’elle sort enfin, elle a 38 ans et une vie entière à construire…

Retrouver le chemin

Comment se reconstruire après vingt ans d’enfermement ? Vingt années loin de tout ce qui fait une vie, qu’elle soit culturelle, politique ou encore sociale ? Et surtout, comment vivre et avouer à ceux qu’on rencontre qu’on sort de prison dans laquelle on a été condamnée pour le meurtre de sa meilleure amie ? Le temps s’est figé le 31 décembre 1995 pour Madeline, écrasant ainsi tous ses rêves d’avenir, ses envies d’aventures et de liberté, ses histoires d’amour potentielles aussi. L’autrice aborde alors avec une extrême justesse les conséquences de l’incarcération sur la vie d’une femme, malgré le Ban the Box. Et aux côtés de sa mère, reconvertie dans des activités ludiques à Sag Harbor, dans les Hamptons, et d’Ezra, un cuisinier de Montauk attentionné et sympathique, Madeline va peu à peu apprendre à se connaître.

Un roman profond, juste, humain

En usant de la double temporalité, Laurence Peyrin nous entraîne non seulement au cœur de la réinsertion de Madeline mais également dans ses années de prison et son quotidien à Bedford Hills. Les rencontres qu’elle y a faites, les femmes qui ont partagé sa cellule et l’impact que cela a eu sur elle, sur sa personnalité. L’univers carcéral est un univers que je méconnais et sous la plume de l’autrice, il prend une autre dimension, plus réelle et plus violente. Les femmes qui y sont enfermées prennent vie, sans pour autant que le lecteur soit en capacité de les juger pour leurs crimes. De même que pour Madeline, si finalement on tourne autour des véritables raisons de son crime, c’est pour mieux la rencontrer et s’empêcher d’émettre un jugement. Une toute petite minute, voilà à quoi se résume finalement le chemin d’une vie et l’autrice nous offre un regard humain et bouleversant sur celle de Madeline.

Chapitre après chapitre, on découvre Madeline dans son quotidien carcéral puis au cœur même de sa réinsertion, dans son apprentissage de cette vie qui s’est figée il y a vingt ans, en même temps que ses rêves d’avenir et de liberté. Une nouvelle fois, l’autrice nous immerge dans un roman humain, bouleversant, aux thématiques profondes.

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