Contemporain·Lectrice Charleston 2021

Filles du vent • Mathilde Faure

Le prix de l’Héroïne Engagée est un prix créé par les éditions Charleston en 2020 dont les conditions de participation était de présenter un roman aux thématiques féministes. Si je vous ai déjà présenté Un jour de plus de ton absence de Mélusine Huguet, finaliste de ce prix, c’est désormais au tour de la lauréate, Mathilde Faure.

Lina, Assa et Céline, trois adolescentes placées dans un foyer à Argenteuil, ne partagent rien, hormis le quotidien atypique des mineurs de la protection de l’enfance. Lina, habitée par une immense violence, refuse les étiquettes que les adultes lui assignent. Assa rêve d’une adolescence normale et se réfugie dans les études et la littérature pour oublier une histoire familiale douloureuse. Céline, déscolarisée et fugueuse invétérée, vit au jour le jour et se prostitue par ennui autant que par besoin d’exister. Alors qu’à l’automne 2019, la vague #noustoutes déferle sur la France, chacune y trouve un écho à sa propre histoire. Et pourtant, aucune d’entre elles n’y est vraiment représentée. Ensemble, elles se lancent alors dans une fugue itinérante, pour couvrir les façades des plus grandes villes de France de collages qui portent la voix de ces adolescentes invisibles.

C’est une plume brute qui nous plonge dès les premières pages dans le quotidien d’un foyer d’Argenteuil : L’Escale, qui a la particularité d’être l’un des seuls à être non-mixte de la banlieue parisienne. On va y suivre trois adolescentes : Lina, Assa et Céline. Elles ont peu de choses en commun, si ce n’est le fait d’être placées en dehors de leur foyer familial. Ce n’est pas un sujet sur lequel je lis beaucoup, et je crois d’ailleurs n’avoir jamais lu de récit qui aborde cette thématique, ce qui faisait de ce roman une totale découverte et l’autrice a su aussitôt m’immerger dans cet univers cru et violent.

Petit à petit, à tour de rôle, on va découvrir Lina, Assa et Céline et apprendre à les connaître, à connaître leurs histoires respectives et leurs parcours chaotiques. L’une est en proie à une violente colère, à la peur et des interrogations perpétuelles sur sa place ; la deuxième s’est retrouvée placée à la suite d’un signalement envers son beau-père et se retrouve meurtrie par le silence de sa mère ; et enfin, la dernière est une fugueuse répétitive, travailleuse du sexe la nuit pour gagner un peu d’argent. Le besoin d’exister, de trouver sa place dans une société qui les invisibilise, la dure réalité des foyers et des mesures de placement, ce sont autant de sujets qui parsème les histoires de Lina, Assa et Céline.

C’est la souffrance qui résonne, la douleur d’être enfermées derrière des portails. L’écriture de Mathilde Faure est poignante, dure mais très réaliste, elle dessine les contours d’une réalité qu’on tait, qu’on ne veut pas voir et j’ai été totalement bouleversée par le parcours de ces trois personnalités, ces adolescentes révoltées qui ne veulent plus se sentir abandonnées et décident de fuir sur les routes de France pour faire entendre leurs voix. Ce roman mérite à mon sens entièrement le prix de l’Héroïne engagée.

Un récit brut, à l’écriture dure mais réaliste, qui nous plonge dans le quotidien de trois adolescentes placées en foyer en banlieue parisienne. Des parcours chaotiques, des émotions exacerbées, la violence d’une société qui les invisibilise, le besoin de trouver sa place, sont autant de sujets qui dessine les contours de cette histoire bouleversante et poignante.

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