C’est un des romans que j’avais le plus envie de découvrir parmi cette rentrée littéraire d’hiver et c’est également l’un des premiers que j’ai lu. Je remercie infiniment les éditions Presses de la Cité pour cet envoi.
Dans le Séoul des Années folles, une ville énergique et rebelle qui frémit sous le joug de l’occupation japonaise, jeunes courtisanes, aristocrates, soldats et idéalistes se désirent et se déchirent. Jade la gisaeng aime Hanchol, l’étudiant déclassé. Mais c’est Jungho, le chef de bande orphelin, fils d’un chasseur de tigres, qui se révèle son allié le plus fidèle dans un monde en pleine mutation. La grande Histoire et les monstres tapis dans le cœur des hommes leur imposeront à tous un destin parsemé d’écueils… Avec cette fresque historique d’une grande finesse, Juhea Kim nous raconte, sur près d’un demi-siècle, l’espoir et les tourments d’un peuple qui lutte pour son indépendance.
Un récit polyphonique très fort
On part dès les premières pages à la rencontre de personnages venants d’horizons variés et issus de milieux très différents mais dont la force de caractère n’est plus à démontrer au fil des pages. Jade, vendue par sa mère comme courtisane qui va peu à peu se révéler plus qu’une simple belle-de-nuit, ainsi que Lotus et Luna, à ses côtés, dont les destins vont se différencier au fil des années ; Jungho, un orphelin débrouillard qui va s’élever aux côtés des gangs de Séoul tout en réussissant à tirer son épingle du jeu ; et enfin, Hanchol, un jeune garçon déclassé et d’une intelligence incroyable. Si le récit alterne entre leurs trois points de vues, c’est parce que leurs chemins vont s’entremêler, se télescoper, se séparer pour finalement se retrouver plus d’une fois au fil des années. La façon dont l’autrice tisse leurs histoires à la grande Histoire est passionnante, parce qu’elle les intègre véritablement à tous les combats que les coréens ont du mener pour leur indépendance.
Une lecture marquante par son contexte historique
C’est le point fort de ce roman : un contexte historique riche, qui éclaircit l’Histoire de la Corée de façon bouleversante. L’autrice nous immerge en effet au cœur de 5 décennies de guerre, de l’Occupation japonaise au début des années 20 jusqu’à la fin de la dictature militaire dans les années 60 en passant par la Seconde Guerre Mondiale, l’invasion américaine et la guerre de Corée. A travers l’histoire de Jade, Hanchol, Jungho et tant d’autres personnages, c’est un véritable récit d’une richesse historique incontestable qui se tisse peu à peu, traduisant l’impact des occupations sur la population, la montée du nationalisme, la force du communisme, les massacres et la peur mais plus fort que tout la volonté d’une indépendance face à la domination. C’est un récit dans la veine de Pachinko mais également de Pour que chantent les montagnes, à la fois dans les messages qu’ils transmettent mais également dans toute la dimension authentique et mémorable conférée par une Histoire déchirante et révoltante.
Créatures du petit pays est assurément une lecture marquante. Bouleversante et humaine, elle est une véritable immersion dans plus de 50 ans d’Histoire coréenne, de lutte pour l’indépendance et de combats politiques mais également c’est également une plongée passionnante dans une culture de traditions.
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